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La Révolution qui a débouché sur la création du canton de Vaud entraîna une dynamique nouvelle : mettre en valeur les origines médiévales du Pays de Vaud et de ses Etats, rejetant dans l’ombre la période bernoise. Le XIXe siècle est celui de l’Histoire, une période de défrichements documentaires, de transition vers de nouvelles formes éditoriales ; cette époque, marquée par la fondation à Lausanne en 1837 de la Société d’histoire de la Suisse romande et l’ouverture progressive des dépôts d’archives, fait émerger peu à peu de nouveaux auteurs, n’appartenant plus à d’anciennes familles aristocratiques ou fortunées, mais aux milieux de l’Eglise libre, de l’enseignement et des premiers professionnels de l’histoire et de l’archéologie. De plus, il n’est pas question alors de brider et d’encadrer la recherche historique, la liberté est laissée aux initiatives individuelles de concevoir l’écriture de l’histoire, de la colporter et de la faire vivre selon leur bon vouloir. Le tournant du siècle voit la naissance de la Société vaudoise d’histoire et d’archéologie, fondée à Lausanne le 3 décembre 1902, dans la perspective de la célébration de l’anniversaire du canton.
1903 est en effet une date déterminante. A côté de l’amour de la patrie rehaussé par les fêtes du premier centenaire de la création du canton de Vaud, la recherche mutuelle de documents d’archives est peut-être alors le seul élément qui réunit les historiens. Paul Maillefer fait paraître pour les fêtes du centenaire son Histoire du canton de Vaud, dans lequel il tempère les jugements négatifs d’Auguste Verdeil sur le régime bernois, tout en donnant à ses lecteurs la plus vaste histoire panoramique du canton de Vaud jamais écrite. En fait, il est le dernier à avoir publié une synthèse sur l’histoire vaudoise. Personne ne se risquera en effet dans la dernière grande entreprise éditoriale du canton de Vaud, à savoir l’Encyclopédie illustrée du Pays de Vaud, du début des années 1970, à écrire l’histoire du XXe siècle du canton de Vaud, et à donner une suite aux écrits d’Olivier, Verdeil et Maillefer – il faudra pour cela attendre la publication en 2015 de l’Histoire vaudoise (560 pages en en trois volumes), la plus complète et la plus scientifique jamais parue sur le canton de Vaud. En ce sens, l’année 1903 manifeste l’exubérance et le point culminant de la force de l’évocation historique que le siècle suivant ne saura ou ne pourra pas reproduire. En fait, depuis 1903, on assiste à un émiettement de la connaissance historique, à la forte spécialisation et à la professionnalisation des savoirs. Malgré l’ouverture généralisée des fonds d’archives et la multiplication des monographies locales et régionales, le deuxième centenaire de l’existence du canton de Vaud se termine sans avoir retrouvé le souffle qui avait marqué les écrits d’histoire de la première moitié du XIXe siècle, comme si le fait d’avoir planté le cadre général de l’histoire vaudoise très tôt et de l’avoir consigné en 1914 et en 1921 dans le Dictionnaire historique, dirigé par Eugène Mottaz, avait figé les capacités de lancer des synthèses et de les reprendre à dates régulières. Faut-il également imputer la raison à l’absence d’esprits visionnaires parmi les historiens qui préfèrent conduire des recherches sectorielles et limitées plutôt que de s’engager dans des travaux de synthèse qui nécessitent tout autant de l’audace que de la patience, de l’intrépidité que de la force de conviction ?
Une nouvelle tranche est entamée, avec 2103 en point de mire. Espérons que la grande force du prochain centenaire (le 3e!) sera d’accroître l’importance de la connaissance et de la recherche historiques dans notre société, qu’elles inspirent les autorités et les citoyens. A l’évidence, il ne suffira pas de disposer de documents d’archives et de monographies locales et régionales pour gagner le défi ; il faudra encore et surtout pouvoir compter sur des questionnements renouvelés et audacieux, sur des moyens renforcés pour la recherche historique et sur les ressources positives des nouvelles technologies. Les commémorations sont là pour donner des élans et dresser des bilans, dépasser les satisfecits. La SVHA se veut un partenaire dynamique, un lieu constant d’échanges et de rencontres pour une meilleure connaissance et reconnaissance de l’histoire vaudoise.