Histoire de notre société

La fin du XIXe siècle est une période bouillonnante pour le patriotisme vaudois : En 1898, on fête le centenaire de l’Indépendance du Pays de Vaud et en 1903, celui de son adhésion à la Confédération helvétique. Dans ce contexte « très historisant », Paul Maillefer (1862-1929), professeur de la toute jeune Université de Lausanne, crée la Société vaudoise d’histoire et d’archéologie (ci-après SVHA) le 3 décembre 1902, alors qu’il a déjà fondé la Revue historique vaudoise (RHV) en 1893. La SVHA devient ainsi l’organe éditeur de la RHV.

La fête du premier centenaire de l’existence du canton de Vaud en 1903 est une répétition du premier centenaire de l’Indépendance vaudoise en 1898. Mais les deux événements stimulent le patriotisme vaudois. Les dirigeants ont besoin de fêter l’État vaudois, afin de dissimuler aux yeux du peuple le manque de continuité dans la politique du gouvernement face aux difficultés économiques de cette période. La population a également besoin de se rassembler, de se donner une identité au travers de multiples commémorations communautaires, telles que la fête de gymnastique (1882) ou encore l’inauguration de l’Université (1891). On assiste donc à une certaine « frénésie historique » en ce début de siècle, qui permet à la SVHA de compter 443 membres six mois après sa fondation.

La fondation d’une société vaudoise d’histoire représente également une scission avec la Société d’histoire de la Suisse romande, créée en 1837. Paul Maillefer, qui considère cette dernière trop élitiste, veut une société d’histoire locale à caractère populaire, ouverte aux populations ouvrières et agricoles, alors qu’elles sont encore désespérément absentes des effectifs des sociétés savantes en cette fin de XIXe siècle.

Le 3 décembre 1902, la quarantaine de personnes présentes lors de la séance constitutive de la SVHA élit Paul Maillefer président. Les statuts qu’il propose sont discutés et votés. La nouvelle société se veut progressiste : les femmes sont admises, la cotisation annuelle est fixée à deux francs, afin que tous puissent adhérer. L’objectif premier de la SVHA sera « de développer au sein du peuple vaudois le goût de l’Histoire ». Les membres pourront également se procurer à prix réduit la Revue historique vaudoise. On peut d’ailleurs voir dans la création de la SVHA, l’institution d’un organisme permettant à la fois de soutenir la parution de la RHV, par son comité, et son écoulement, par ses membres. Ceci assurera l’existence à long terme de la revue.

Rapidement, la Société organise des activités telles que conférences, assemblées, ou sorties d’été, qui deviennent « traditionnelles ». Dès 1907, elle est également associée à une œuvre d’envergure : elle assure en effet la parution du Dictionnaire historique, géographique et statistique du canton de Vaud, qui paraît en deux volumes en 1914 et en 1921. Dès lors, la SVHA évolue en suivant les caprices de l’Histoire. Elle connaît une crise durant la Première Guerre mondiale, le nombre de ses membres chutant à 331. Eugène Mottaz[1] voit la RHV menacée par le manque d’abonnés. La situation s’améliore, assez paradoxalement d’ailleurs, avec l’arrivée de la Seconde Guerre mondiale : les effectifs remontent à 439 membres.

Mais c’est en 1953, à l’occasion du 150ème anniversaire de l’existence du canton de Vaud, que la SVHA acquiert définitivement ses lettres de notoriété, en publiant Cent cinquante ans d’histoire vaudoise. Elle s’efforce dès lors d’entretenir d’étroites relations avec des sociétés apparentées, d’organiser des rencontres avec les conservateurs de musées vaudois, etc. Outre des articles de fond, ainsi que des chroniques bibliographiques jusqu’en 1990, elle publie, dans la Revue ou des parutions séparées, des écrits liés à des célébrations commémoratives telles que la célébration des 700 ans de la cathédrale de Lausanne (1975), les bicentenaires (1998, 2003) ou, plus récemment, la Fête des Vignerons (2019).

Son engagement à s’impliquer utilement dans les différents domaines de l’histoire a conduit la SVHA à soutenir d’autres associations cantonales, soit le Cercle vaudois d’archéologie et le Cercle vaudois de généalogie, avec lesquels elle entretenait des liens concrets, en leur proposant une participation dans son comité afin de faciliter la collaboration entre les parties :
– Archéologie : Dès la fondation de la SVHA, l’archéologie a joué un rôle important dans ses activités.  La Revue publie en 1924 la liste des monuments historiques, puis les séances annuelles de la commission des monuments historiques (qui deviendront par la suite les rapports de l’archéologue cantonal) dés 1927, avec des intermittences, puis de la Commission cantonale des monuments historiques de 1943 à 1972, reprises sous le nom de chroniques archéologiques de 1979 à 2013. Le Cercle vaudois de d’archéologie[2], créé en 1962 par des membres de la Société suisse de préhistoire et de la SVHA, a collaboré avec la Bibliothèque historique vaudoise à l’édition des Cahiers d’archéologie romande qu’il reprend en 1993, puis est devenu en 2016 l’Association des Amis du Musée cantonal d’archéologie et d’histoire. Cercle vaudois d’archéologie. Ses rapports ont paru depuis 1963 dans la Revue, d’abord intégré dans celui de la SVHA, puis séparément jusqu’en 2016. Son représentant au comité est un archéologue qui en est déjà membre.
– Généalogie : La Société vaudoise de généalogie, fondée en 1910, est principalement connue par ses Recueils de généalogies vaudoises, publiés de 1912 à 1950. A la suite de sa dissolution en 1980, ses archives ont été remises en 1983 aux Archives cantonales et son fonds en 1984 à la SVHA pour le gérer. Après la création du Cercle vaudois de généalogie en 1987, celle-ci le lui reversa en 1992 comme ″héritier″, puisque cet argent devait servir la cause généalogique. Le Cercle, qui publie notamment depuis 1988 le Bulletin généalogique vaudois devenu en 2012 la Revue vaudoise de généalogie et d’histoire des familles, participe au comité de la SVHA depuis 1994.

La SVHA attribue également des prix :

– le Prix Jean Thorens d’histoire, remis depuis 1978 tous les deux ans, puis tous les trois ans dès 1997, qui gratifie les recherches historiques menées en dehors de la sphère académique ;
– le Prix Jacqueline Exchaquet, décerné tous les deux ans depuis 2011, qui récompense un travail de maturitédans le domaine de l’archéologie, de l’histoire ou de l’histoire de l’art en relation significative avec le canton de Vaud.

Aujourd’hui, la Société poursuit sa cause, en cherchant à maintenir le lien entre la population et son passé, à une époque où la connaissance du passé apparaît plus que jamais nécessaire.

Elle publie ses rapports annuels dans la RHV, consultable sur E-periodica. Elle a son siège aux Archives cantonales vaudoises, où sont également déposées ses archives (ACV, PP 91 et PP 388, inventaires accessibles sur www.davel.ch.).

ARTICLES POUR PROLONGER


1 Eugène Mottaz, rédacteur de la RHV entre 1897 et 1948.
2 Ou Cercle vaudois d’archéologie préhistorique et historique.