CR25 Blaise FONTANELLAZ, Entre Sonderfall et Intégration

Blaise FONTANELLAZ, Entre Sonderfall et Intégration : Les partis politiques suisses à l’épreuve de l’Europe (1989-2014), Louvain-la-neuve : Académia-L’Harmattan ; Genève : Université de Genève, 2019, 203 p. (Enzo Santacroce)

Le livre de Blaise Fontanellaz a le mérite de remettre au goût du jour l’histoire et la prise en compte de l’idéologie politique au sein des forces partisanes s’exprimant et s’engageant sur la thématique des relations entre la Suisse et l’UE. Se situant dans un cadre temporel qui couvre 25 ans de la politique extérieure de la Suisse (1989-2014), l’ouvrage cherche à démêler les arguments principaux des quatre partis gouvernementaux (PRD-PLR, PDC, PS, UDC) depuis la votation sur l’accès à l’EEE du 06.12.1992 jusqu’à celle du 09.02.2014 sur l’initiative populaire de l’UDC intitulée « Contre une immigration de masse ».

L’intérêt de l’ouvrage est de mettre en lumière les tensions internes qui existent au sein des différentes sections cantonales composant l’identité des grands partis helvétiques lorsque les discussions portent sur l’Europe. On comprend dès lors que les axes de positionnement comme la prospérité économique, la sécurité, les mesures d’accompagnement, la qualité de vie, l’universalisme et le nationalisme sont les gammes à partir desquelles les partis jouent leur partition dans les concerts qu’orchestrent les différentes votations sur le sujet européen (les bilatérales I et II, le milliard de cohésion, la votation du 09.02.2014 sur l’immigration).

Par ailleurs, le livre montre subtilement qu’en arrière-fond de tous les débats politiques sur les relations bilatérales entre la Suisse et l’Europe qui englobent notamment les accords sur la reconduction et l’extension du libre établissement des personnes, se joue la question de l’adhésion de la Suisse à l’UE, véritable épouvantail qui secoue des peurs profondes ainsi que les velléités souverainistes les plus vigoureuses.

L’ouvrage révèle que la question de l’adhésion de la Suisse à l’UE fait craindre une perte de l’autonomie nationale ainsi que celle des fondamentaux de l’identité suisse que sont le fédéralisme, la démocratie directe et la neutralité.

La question est donc bien celle de savoir si la Suisse est appelée à rester un Sonderfall au sein de l’Europe économique et sociale ou à devenir un membre à part entière de l’UE dans les années à venir. C’est d’ailleurs sur ce point que le livre aurait pu être plus percutant, en proposant par exemple une prise de position sur ce statut de cas particulier de la Suisse, en dressant la généalogie des piliers de l’identité suisse. En quoi la sauvegarde de l’indépendance est vitale pour la Suisse ? Pour quels motifs historiques est-elle arrimée à son autonomie ? Ces questions, effleurées dans l’ouvrage, auraient pu être approfondies sous le point de vue de l’idéologie politique à l’œuvre dans les forces partisanes.

Une fois l’opus terminé, l’on ne peut s’empêcher de s’interroger : est-ce que la Suisse est précisément un cas particulier du fait que son organisation politique fédérale met en acte ce que les États membres de l’UE cherchent à réaliser depuis maintenant 60 ans? En effet, quatre langues et cultures nationales cohabitent pacifiquement, 23 cantons et autant de particularismes régionaux et locaux sont respectés, tout ceci garanti par une Confédération qui valorise la diversité du pays. Toutefois, une solidarité nationale est possible lorsque les circonstances l’exigent, comme la crise sanitaire due au COVID l’a démontré. Et si l’Europe devenait suisse ?

Enzo Santacroce