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Corinne CHUARD, Histoire vaudoise, un survol, Gollion : Infolio ; Lausanne : Bibliothèque historique vaudoise, 2019, 160 p. (Lucienne Hubler)
Présidée par Olivier Meuwly, l’Association pour l’histoire vaudoise, après avoir édité Histoire vaudoise en 2015, a réussi son pari de poursuivre l’entreprise en publiant un livre de poche sur le même sujet, le sous-titre indiquant clairement que l’ouvrage va à l’essentiel. Pour cela, il fallait trouver un auteur que ne rebuterait pas la tâche de repenser le gros ouvrage de 560 pages dues à vingt auteurs, puis d’écrire un texte bref. Il l’a trouvé en Corinne Chuard, historienne et journaliste.
Si l’auteure a repris le plan en quatre parties avec quelques aménagements, elle a choisi, dans l’intitulé de celles-ci, un titre percutant pour appâter le lecteur. C’est ainsi que « Vaud émerge des glaces », « Vaud esquisse son identité », « Vaud obéit à Berne » et « Vaud empoigne son destin » remplacent «De la fonte des glaces à l’occupation barbare », « Des évêques de Lausanne aux ducs de Savoie », « De Leurs Excellences de Berne aux révolutionnaires » et « De l’amour des lois à la dernière Constitution ». Les sous-titres sont brefs, parfois accrocheurs (« Urbanisation au pas de charge », pour l’époque romaine, ou « Davel, lanceur d’alerte »). Le style est vif et clair, les phrases courtes, voire sans verbe, et Corinne Chuard ne craint pas de recourir aux points d’interrogation, d’exclamation ou de suspension qui, en général, n’ont pas les faveurs des historiens. Certains passages sont quasiment des tours de force dans la concision, comme le résumé du rôle des guerres de Bourgogne pour le Pays de Vaud en quatorze lignes ou celui de la guerre du Sonderbund en neuf.
Ce petit volume profite des recherches les plus récentes tant en archéologie qu’en histoire, des nouvelles questions que se posent les spécialistes, des perspectives innovatrices qu’ils abordent. Mais il n’écarte pas les personnages de notre Panthéon ; Berthe et sa fille Adélaïde, Pierre II de Savoie, Othon III de Grandson, le major Davel, Frédéric-César de La Harpe, Henri Monod, Henri Druey, Alexandre Vinet, le général Guisan, C.-F. Ramuz ont plus que la simple mention de leur nom et de leur rôle, utilisée pour les autres individus cités. Comme dans Histoire vaudoise, le survol met l’accent sur les XIXe et XXe siècles qui occupent plus du tiers de l’ouvrage. C’était bien sûr nécessaire, mais aller à l’essentiel est plus difficile que pour les périodes antérieures. La documentation est surabondante et on manque du recul indispensable, ce qui est surtout visible dans les dernières décennies du siècle. La postface de Justin Favrod met le doigt sur le problème.
Si le texte principal, imprimé en noir, couvre essentiellement l’histoire politique au sens large, comme l’organisation du territoire et les institutions, les passages imprimés en vert traitent plutôt d’aspects économiques, sociaux et culturels, tels le tsunami lémanique causé par l’éboulement du Tauredunum en 563, l’expansion urbaine médiévale, l’activité agricole traditionnelle, la naissance de l’industrie du fer au XIIIe siècle, les Bourla-Papey, l’école, la vie artistique, les femmes enfin citoyennes ou l’ouverture du canton au monde après 1960.
L’illustration, reprise d’Histoire vaudoise, le plus souvent en couleurs, sauf évidemment les photographies anciennes, enrichit le texte et le complète. Elle est très abondante, seule une page, de la 8e à la 157e, ne comptant aucune image. C’est la 66e, sur les troubles confessionnels d’avant 1536 ; l’iconoclasme réformé aurait-il frappé ? Très variée aussi, elle montre monuments, portraits, documents d’archives, affiches, objets, reconstitutions de sites archéologiques, cartes et plans. La mise en image est due au graphiste Laurent Pizzotti qui a fait un choix parmi les 800 images de l’édition reliée. Sauf exception, elles sont contemporaines de ce qu’elles présentent. L’entier du canton est représenté, échappant ainsi au lausanno-centrisme. Le livre est beau, l’impression de qualité, les coquilles inexistantes et les erreurs exceptionnelles. On regrettera d’autant plus celles des pages 61 (60000 Vaudois au XVIe et non pas au XVe siècle), p. 122 (Félix Vallotton mentionné deux fois), p. 139 (Henry-Louis Mermod et non Mermoud) et 154 (Reymond et non Raymond Burki).
La couverture réunit une gravure du château Saint-Maire et la silhouette d’un avion en 1911. Survoler en 150 pages plus de 15’000 ans d’histoire aurait pu être une aventure périlleuse. Corinne Chuard a piloté avec classe et a réussi son atterrissage.
Lucienne Hubler